LE CERCLE - Pour l'économiste Nicolas Bouzou, les loueurs de véhicules offrent une expérience client catastrophique. Récit d'un séjour dans le Sud de la France et leçons à en tirer.
Les entreprises ne parlent plus que des technologies de la troisième révolution industrielle : numérique, robotique et intelligence artificielle. Mais
peu d'entre elles ont traduit en actes ce que l'avènement de ces technologies devrait impliquer pour elles : rendre l'expérience client exceptionnelle.
A l'inverse, dans de nombreux secteurs, celle-ci demeure catastrophique.
Toujours les mêmes « process »
Je me suis présenté récemment au comptoir de l'une de ces marques de loueur à l'aéroport de Toulon afin de rejoindre Saint-Raphaël. Après une attente de
vingt minutes, on me redemanda pour la dixième fois en un an mon permis de conduire, mon e-mail et mon numéro de portable.
Arrivé une heure plus tard à Saint-Raphaël, je réalise que la porte conducteur ferme mal. Je me rends donc à l'agence du loueur à Saint-Raphaël, qui, m'y
explique-t-on, est indépendante. Je dois donc, soit aller voir un garagiste, soit retourner à Toulon pour changer de véhicule. Je m'exécute de bonne
grâce, profitant pour la deuxième fois de la journée des paysages orange de l'Esterel.
A Toulon, l'employé derrière le comptoir, avant de me donner les clefs du nouveau véhicule, me demande à ma grande surprise si j'ai « bien fait le plein
de carburant » ? Je lui réponds en toute bonne foi que, n'étant pas responsable du dysfonctionnement de la porte et me sentant très légèrement victime
de la situation, non, je n'ai pas fait le plein. Elle comprend, me dit-elle, mais je ne puis déroger au paiement du 95 sans plomb (quitte à me faire
rembourser plus tard), car « c'est le process ».
Gare aux disrupteurs
Les entreprises les plus talentueuses ont compris que les technologies de la troisième révolution industrielle devaient avoir trois vertus pour l'expérience
client : proposer plus de simplicité, plus de flexibilité et plus d'humanité.
Enfin, chères entreprises, ne faites pas travailler des humains pour leur faire dire « c'est le process ». L'avantage comparatif des humains, c'est justement
d'être capable de ne pas respecter un process quand c'est nécessaire. Ou alors ne vous étonnez pas que vos meilleurs salariés comme vos meilleurs clients
vous quittent. Et ne vous étonnez pas non plus si de jeunes entrepreneurs talentueux disruptent votre secteur en considérant les technologies comme
un outil au service de l'expérience client et non comme les éléments d'un cabinet de curiosité.